Utilisation du sol et photovoltaïque : Aller au-delà d’impression parfois trompeuses

publiée le 31 janvier 2023

Les discussions autour de la loi dite « d’accélération des énergies renouvelables » ont donné lieu à des affrontements sur le photovoltaïque au sol, dans et hors de l’hémicycle.

Priorité a été donnée aux espaces déjà construits (toitures, parkings) ce qui parait logique. Les centrales solaires au sol ont fait l’objet de nombreuses restrictions. On a même entendu qu’elles pourraient menacer notre sécurité alimentaire. Des arguments qui méritent d’être regardés d’un peu plus près.

Pour éviter tout malentendu, commençons par quelques principes :

  • Les surfaces utilisées par les grands espaces commerciaux, généralement construits sur un seul niveau, avec des parkings immenses sont un énorme gaspillage de foncier, lequel n’est pas renouvelable. Par extension, il en va de même de surfaces affectées à des zones de loisirs, industrielles, tertiaires ou encore de stockage de déchets. Il est donc logique que ces surfaces déjà urbanisées soient couvertes par du photovoltaïque. Et que, à l’avenir, l’accès au foncier soit davantage contraint pour ces types d’aménagement qui ont rarement fait l’objet d’oppositions à même d’y faire renoncer.
  • Les constructions pavillonnaires, sont également très consommatrices de foncier. En 8 ans – de 2006 à 2014- sur près de 500 000 hectares de terres artificialisées, 225 000 ha ont accueilli des maisons individuelles avec jardins. Le rythme ne s’est pas ralenti depuis. Il serait donc logique que de telles constructions (20 millions de maisons individuelles en France) voient leurs toitures recouvertes de photovoltaïque, ne serait-ce que pour « compenser » la consommation de foncier. Convaincre les millions de propriétaires qui plébiscitent ce type d’habitat peut prendre… un certain temps. En outre, pour donner un exemple quantifié, il faudrait plus de 12 000 toitures de pavillons équipés d’installation de 3 kWc – soit 8 panneaux – pour produire autant d’électricité par an que le parc éolien de Chamole qui comprend 6 éoliennes de 3 MW. Cela ne veut pas dire renoncer à équiper ses toitures, au contraire, mais permet de relativiser les ordres de grandeur.
  • Concernant le foncier d’usage agricole, il serait pernicieux que la rémunération obtenue avec une centrale photovoltaïque aboutisse à abandonner un usage agricole des terres. Il faut donc rechercher des complémentarités, ne pas raisonner en termes exclusifs (l’un ou l’autre) mais inclusifs (l’un et l’autre). Il serait désastreux que l’installation de centrales solaires conduise à une élévation du prix du foncier, rendant de facto impossible économiquement toute activité agricole. De premières expériences permettent de donner consistance au concept d’agrovoltaïsme. Nous sommes au tout début de ce processus qui probablement prendra de l’ampleur.

Mais allons un peu plus loin…

Voici deux paysages. L’un produit de l’électricité avec du photovoltaïque. L’autre est destiné à la production d’agro-carburants. Et pourtant, l’un a tendance à nous faire réagir plus que l’autre. Est-ce fondé ?

 

« Agrocarburants » versus « centrales solaires » ?

  1. En France, un million d’hectares sont consacrés aux agro-carburants, soit près de 4% de la Surface Agricole Utile (SAU). On les nommait autrefois biocarburants, mais il y avait un abus de langage car ces cultures sont vraiment loin d’être « bio ». Nota : la SAU comprend les terres arables – y compris pâturages temporaires, jachères, etc.-, les surfaces toujours en herbe et les cultures permanentes -vignes, vergers, etc. Elle est en France de 29 millions d’hectares.

La production annuelle d’agrocarburants s’élève à 37,2 térawattheures (TWh). On utilise ce carburant dans nos véhicules, lorsque l’on remplit son réservoir avec du carburant E10 ou Biodiesel. Or, nos moteurs thermiques ont un rendement exécrable de 25%. En conséquence, seuls 9 TWh (25% de 37,2) sont utiles. Le reste part en fumée…

Personne –ou presque– s’offusque que près de 4 % de notre Surface Agricole Utile produise aussi peu. En fait nul ne le sait et dans le paysage, rien ne distingue une culture d’une autre pour les non-initiés.

  1. Il faudrait produire 250 TWh d’électricité solaire en 2050, pour atteindre les « 100% d’énergies renouvelables », selon un scénario de RTE. Avec un rendement moyen d’utilisation de 70% (pour tenir compte du rendement élevé des moteurs électriques – 90% – des pertes de transformation et de stockage), on atteindrait 175 TWh utiles (à comparer au 9 ci-dessus).

Un pari fou ? Pas tant que cela ! Une capacité solaire de 280 GW nécessiterait 250 000 ha, soit moins de 1% de la Surface Agricole Utile ou encore environ 9 années de construction de lotissements.

Récapitulons

  • 1 million d’hectares pour des agrocarburants qui produisent 9 TWh utiles.
  • 250 000 hectares (soit 4 fois moins) pour des centrales solaires produisant 175 TWh utiles.

Le solaire est donc 75 fois plus efficace par unité de surface que les biocarburants. Vous lisez bien : ce n’est pas 75% « de plus », mais 75 « fois plus » ! Si, comme ce fut mon cas au premier abord, vous trouvez ce nombre extravagant, n’hésitez pas à faire le calcul vous-même !

On est donc loin d’une menace pour la sécurité alimentaire avec des centrales solaires !
Cela ne signifie pas qu’il faut faire n’importe quoi.
Mais une question me taraude : pourquoi, en dépit de telles évidences, une contestation existe pour les centrales solaires au sol alors que les agrocarburants vivent leur vie tranquillement ?

Gérard MAGNIN, 31 janvier 2023

Source principale : Cédric Philibert https://www.revolution-energetique.com/pourquoi-eolien-et-solaire-ne-sont-pas-une-menace-pour-la-production-alimentaire/